Le pardon
Article mis en ligne le 9 avril 2010
dernière modification le 5 février 2013

Pardonner semble parfois une attitude impossible. Pardonner serait une lâcheté, un manque de courage et de lucidité de la part de celui qui a été victime. Refuser le pardon semble être la seule manière de reconnaître la gravité de la faute commise.

Dans le cas de la pédophilie, par exemple, les parents de l’enfant abusé se sen­tent profondément trahis : la confiance accordée a été ba­fouée. Ils éprouvent ce senti­ment avec une grande intensité. L’enfant, lui, se sent souillé de façon indélébile. La honte a du mal à s’effacer. A lui aussi, par­donner semble impossible à tout jamais. Parfois, cependant, après un long mûrissement qui peut durer des années, une démarche de pardon s’ébauche et s’af­firme.

Certes, du côté de l’agresseur aussi, demander pardon n’est pas un acte neutre. Il doit être précédé par bien des étapes, toutes nécessaires : l’aveu du mal commis, la responsabilité af­firmée des actes posés, l’épreuve de la justice rendue, l’accepta­tion de la peine infligée.

Se reconnaître et être reconnu comme responsable de ses actes relève de la dignité accordée à la condition humaine. Celui qui peut alors faire la démarche de demander pardon ne réclame pas l’oubli ni le refoulement de l’indicible. De même, celui qui accepte de donner son par­don ne décide pas de passer l’éponge et de faire comme si rien ne s’était passé. Mais l’un et l’autre acceptent que l’agres­seur, par un vrai retour sur lui-même, a mesuré l’étendue de sa faute et fait preuve de sincérité en la regrettant publiquement.

0 La victime accepte que son agresseur puisse passer à une autre étape de sa vie. Elle dé­cide de croire à un avenir pos­sible et d’admettre que personne ne peut se réduire à ses actes, aussi odieux soient-ils.
0 Elle accepte surtout de refu­ser la vengeance aveugle, ce sen­timent qui ne se satisfait pas de la justice rendue mais veut tou­jours aller au-delà, dans une spi­rale de violence sans fin.

Demander pardon, accepter le pardon est toujours douloureux. Le chemin pour y parvenir est long, parfois très long. Il ne s’agit souvent que d’un horizon vers lequel on aspire, sans toujours y parvenir.

Et pour les chrétiens, au-delà du domaine juridique et psychologique, on peut entrer aussi dans le domaine de la foi chrétienne. L’Église reconnaît que,malgré l’horreur des crimes commis, une certaine restaura­tion de l’homme est toujours possible.

Son espérance dans la grandeur et la dignité de l’homme ne fai­blit jamais. Sa conviction est que tout homme peut toujours être sauvé, à cause de Jésus Christ et du mystère de la Croix. C’est pourquoi l’Église propose le sa­crement du pardon. L’homme pécheur, aussi gravement pé­cheur soit-il, Dieu l’écoute et le pardonne quand il crie vers Lui.
"Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu",
dit l’Évangile.

Enfin, il appartient aux chré­tiens de témoigner que l’exis­tence terrestre de chacun n’est pas la fin de la destinée humaine. Et que la miséricorde de Dieu est infinie. Le Christ a ouvert à tous les hommes une voie nouvelle par sa résurrection.

Il reste que l’on ne pardonne pas sur commande. Le pardon se donne et se reçoit. Il s’offre et s’accepte. Ce geste n’apaise pas la souffrance, ne guérit pas mi­raculeusement les blessures. Mais grâce au pardon, des chemins de liberté et d’humanité sont à nouveau possibles.

(Conférence des évêques de France : "Lutter contre la pédophilie" Avril 2002)

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