IL EST LÀ ALORS QUE LES PORTES SONT VERROUILLÉES !
Homélie du 2ème dimanche de Pâques.
Article mis en ligne le 19 avril 2020
dernière modification le 21 octobre 2020

par Thierry Piet

A l’heure où j’écris ces mots, je ne sais pas quand nous pourrons retrouver nos églises pour célébrer ensemble l’Eucharistie et communier au Corps du ressuscité.

L’Évangile de ce dimanche nous rapporte que les apôtres sont confinés, eux aussi. Ils ont peur. Ils n’osent pas sortir. Peur d’être arrêtés, mis en prison, mis à mort comme le Maître.
Les raisons pour lesquelles nous sommes confinés ne sont pas les mêmes, mais une même peur nous habite peut-être : peur d’être contaminé, d’être malade, de mourir comme beaucoup.
Et les grandes questions métaphysiques et spirituelles surgissent. Qu’est-ce que la mort ? Qu’est-ce que la vie ? Qui suis-je dans cet univers ? Un rien peut-il m’emporter ? Qu’est-ce qui est le plus important pour moi ? Quel est le nécessaire dont j’ai besoin ? Quel est le superflu qui m’encombre ? Quelle est cette soif de relations dont j’ai besoin pour exister ? Quelle est cette solitude qui s’impose, qui me fait du bien ou qui m’isole ? Quel sens donner à tout cela, c’est-à-dire quelle signification, quelle direction et quelle saveur pour ma vie, pour notre vivre ensemble, pour l’humanité tout entière ?
Et nous tournons en rond dans nos petits espaces comme nous retournons dans nos têtes toutes ces questions au point parfois de nous déstabiliser.

Faut-il passer par cette épreuve pour découvrir ce qu’est l’homme, ce à quoi je suis appelé, tous ces gestes de fraternité et de solidarité, d’entraide et de partage comme autant de gestes de survie ou de vie tout simplement ? Un monde nouveau se cherche, l’homme renouvelé est en train de naître. On le voit dans nos maisons, on l’entend dans nos radios, on le voit sur nos écrans. Comme chrétiens, nous le croyons, mais à quel prix ! Ô certes, tout n’est pas parfait, il y a de la misère, des difficultés, et nous allons en découvrir d’autres, mais nos énergies nouvelles vont, je l’espère, se déployer pour que tous nous connaissions une nouvelle façon d’habiter notre planète, de vivre avec les autres et de se connaître soi-même. Parce que Christ est ressuscité !

Les apôtres ont connu ces grandes interrogations sur leur avenir. La tentation a été pour eux de recommencer comme avant, de reprendre leur métier tout en se disant : nous avons vécu une belle aventure… avec Jésus… pour rien ! Comme leurs cœurs devaient être bouleversés, leurs espoirs déçus ! Quelle angoisse, quel tiraillement, quel désespoir !

Et voici que Jésus se tient au milieu d’eux. Les portes verrouillées ne l’empêchent pas de venir. « La paix soit avec vous ! » leur dit-il. Imaginons un instant tout ce que le mot « paix » peut vouloir dire pour eux comme pour nous quand les inquiétudes pour demain sont aussi grandes que les efforts que nous faisons pour sortir de notre situation. La paix ! Absence de conflits comme il peut en exister quand nous vivons en vase clos. La paix ! Une sérénité dont nous avons besoin pour accueillir et vivre les événements avec courage et optimisme, discernement et espérance.
Jésus, le Ressuscité, vient nous rejoindre aujourd’hui comme il a rejoint ses amis le soir de Pâques. Et si nous doutons de sa présence, il reviendra dans huit jours. Tous les huit jours, il vient le dimanche pour nous rencontrer, et cette année, il franchit les écrans de nos télévisions à défaut de venir dans nos églises.

Fêter le Résurrection de Jésus, ce n’est pas fêter un événement du passé, c’est fêter qu’il est vivant aujourd’hui et qu’il est à nos côtés. Il vient nous ouvrir les portes, il vient nous sortir de tous nos confinements, bref il ouvre nos tombeaux. Il fait naître en nous l’homme nouveau et, avec nous, l’humanité nouvelle dans cette alliance éternelle qu’il a scellée par sa vie, sa passion, sa mort et sa résurrection. Le Mystère Pascal n’est pas un événement du passé, c’est une réalité actuelle ! Il est présent en chaque eucharistie que nous célébrons. Il se déploie dans la vie de ce monde.

Dieu est un être libre, et par amour pour nous, il y a plus de deux mille ans, il est venu en Jésus se confiner dans notre chair. Dieu enfermé dans notre chair ! Vous vous rendez compte ? Dieu vivant avec nos contraintes, nos limites, nos rêves, nos espoirs. Il a tout partagé avec nous, sauf le péché parce qu’il n’était qu’amour gratuit.
Et Dieu a fait exploser la mort. Dieu a ouvert tous nos tombeaux. Christ est ressuscité faisant ainsi sauter toutes nos barrières, tout ce qui nous retient pour devenir vraiment homme à la manière de son Fils ressuscité pour que nous connaissions l’infini, l’éternité, la vie qui n’a pas de fin, libéré de tout.

Aussi Dieu nous donne son Esprit, son Souffle, Souffle de Vie. C’est la Pentecôte dès le soir de Pâques dans l’Évangile de Jean. C’est le même mystère ! Mystère Pascal ! Mystère de libération, d’envoi, de vie !
A nous d’être les témoins de tout cela dans notre quotidien si particulier en ces jours, entre Pâques et Pentecôte (comme dans les écrits de Luc), dans cet entre-deux où la joie de Pâques est mêlée de peur et d’inquiétude, de doute peut-être comme Thomas, dans cet entre-deux qui nous prépare à accueillir l’Esprit de Pentecôte qui ouvrira nos maisons et nous enverra sur les routes du monde. Christ est ressuscité ! Alléluia ! Donne-nous ton Esprit ! Alléluia ! en attendant de retrouver nos églises pour le chanter tous ensemble.
Abbé Thierry Piet.