Le pain, le vin et la serviette
Frères et sœurs, en ce Jeudi Saint, puissions-nous retrouver la mémoire, « la vraie mémoire » ! Celle qui nous donne le sens véritable des services rendus au quotidien… car à travers tous les gestes d’attention que nous avons pour nos frères, c’est le Christ que nous servons… « Ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez ; » (Mt 25, 40)
Si j’avais un petit objet symbolique à déposer sur l’autel avec le Pain et le Vin, ce serait quoi ? Et que dirait-il de ma façon de faire mémoire du Christ ?
– Un téléphone, par exemple… symbolisant le coup de fil passé à quelqu’un qui souffre d’une grande solitude et lui offrir le pain de l’amitié.
– Une clef de ma voiture… symbolisant la proposition de conduire une personne âgée ou malade à la messe ou à une rencontre importante pour elle et lui offrir le pain de la rencontre.
– Un sac de provisions, symbolisant l’offre faite à quelqu’un en difficulté d’aller faire ses courses et lui ainsi offrir le pain de la confiance.
– Des enveloppes et des timbres, symbolisant une lettre envoyée à un prisonnier, à quelqu’un pour lui présenter une demande de pardon et lui offrir ainsi le pain de la miséricorde.
Notre quotidien est rempli de petites choses comme ça, que l’on fait plus ou moins naturellement…
mais notre quotidien est fait aussi de plein d’actes manqués…
– parce que nos yeux ne sont pas toujours ouverts quand il y a des gens que nous évitons,
– parce que nos mains ne sont pas toujours ouvertes quand nous nous replions sur nous-mêmes et ne voulons servir que nous-mêmes,
– parce que nos cœurs ne sont pas suffisamment aimant pour ne donner de l’amour qu’à ceux qui pourraient nous en donner en retour.
Ce soir, nous faisons mémoire de Jésus qui a donné sa vie par amour, librement.
Faire mémoire, c’est-à-dire faire anamnèse, c’est se souvenir, c’est le contraire de l’amnésie. Se souvenir aujourd’hui d’un événement passé qui engage notre avenir. Ce n’est pas une simple commémoraison, un anniversaire, c’est dire que l’événement dont nous nous souvenons concerne notre aujourd’hui et engage notre avenir.
Jésus nous appelle, et il n’a pas besoin de téléphone pour cela, il nous appelle chacun, personnellement et en Église à nous aimer les uns les autres pour être signe, témoin, prophète, messager, ambassadeur de son amour, un amour gratuit, fait d’attention à chacun… pas un sentiment, mais un amour don de soi qui passe par des actes concrets, des actes qui nous font donner de notre temps, de nos compétences, de nos talents, de notre sourire…
Jésus nous conduit, et il n’a pas besoin de clef de voiture pour cela. Lui, l’Agneau de Dieu, il est aussi notre Berger… Il nous conduit vers les périphéries, il nous mène plus loin que chez nous parce que, pour lui, partout c’est chez lui… et le monde qui aujourd’hui est un grand village a besoin que nous fassions mémoire de lui dans toutes nos entreprises pour beaucoup plus de justice et de paix, d’amour et de pardon. La guerre en Ukraine et la campagne électorale dans notre pays nous en disent l’urgence et la nécessité.
Jésus nous nourrit, et il n’a pas besoin de sac de provisions. Pas besoin d’acheter, - notre pouvoir d’achat ne sera pas sollicité ! - il prend ce qu’on lui donne pour nous le redonner au centuple. Quelques pains, quelques poissons… un peu de pain, un peu de vin… quand nous lui donnons le peu que nous avons et que ce peu est le tout dont nous avons besoin, il nous le redonne en abondance, à profusion… les sacrements qui nous font vivre aujourd’hui n’auront jamais fini de nous offrir ce que le Christ nous a donné dans sa mort et sa résurrection.
Jésus nous donne une Bonne Nouvelle, et il n’a pas besoin d’enveloppes ni de timbres pour cela. Nous avons la Bible, nous avons les Évangiles, les lettres de Paul, de Pierre et des autres… Nous avons sa Parole, une parole qu’il ne retient pas mais une parole qui lui reviendra quand elle aura porté son fruit… car c’est sur l’amour que nous serons appréciés, estimés, jugés. « Ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez. »
A la Cène, Jésus fait mémoire de la Pâque juive : la libération du peuple esclave chez Pharaon, roi d‘Égypte, et c’est le Passage de la Mer Rouge. A la Cène, Jésus invite de passer de la servitude au service. Alors il prend une serviette et de l’eau pour laver les pieds de ses disciples.
De la servitude au service, retenons la serviette comme seul objet symbolique, elle va représenter tous les autres et nous l’apporterons, avec le pain et le vin pour nous rappeler le dernier repas de Jésus avec ses amis, repas qui annonce toutes nos eucharisties ainsi que le banquet des Noces de l’Agneau dans le Royaume quand le Seigneur nous rassemblera tous ans la joie de son amour.