Mme Saint-Martin (par H. Sérit, prêtre)
Article mis en ligne le 3 décembre 2009
dernière modification le 5 février 2013

Le 18 décembre 1913, il a plu à Dieu de rappeler à Lui Mme Saint-Martin. Si grande est l’épreuve de tous ceux qui l’ont connue et aimée que je n’essaierai point de la traduire. Du moins, dans le deuil qui nous frappe, qu’il me soit permis d’évoquer le souvenir de la pieuse défunte qui fut parmi nous la vaillante chrétienne et l’ange de la charité.

Plusieurs amis m’ont communiqué pour ce travail les renseignements les plus précieux. Leur modestie, je le sais, ne me permet pas de les nommer ; qu’elle me laisse toutefois la liberté de leur dire : cordial merci.
A proximité de La Rochelle est une petite commune de 2.000 âmes environ, appelée Aytré. Dans cette humble bourgade, au début du siècle dernier, s’élevait le château des Réaux, habité par M. Victor Bonnamy de Bellefontaine, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, et sa fille, Melle Pauline. Celle-ci, lors de son mariage — le 11 septembre 1826 — avec M. Ferdinand Arnaud de la Grossetière, riche propriétaire et maire d’Aytré, reçut en dot le château paternel. Ce fut sous ce toit, plein des doux souvenirs d’antan, que virent le jour cinq enfants tendrement aimés : Marie-Eliane (Mme Denéchaud Léon, Marie-Alice (Mme Seignette), Mathilde (Mme Saint-Martin) et Marie-Louise (Mme Corbun de Kérobert).
Mathilde Arnaud(1) de la Grossetière naquit le 2 décembre 1834. Elle fut baptisée le 8 décembre, en l’église Saint-Etienne d’Aytré, par M. l’abbé Bernard, curé de la paroisse. L’enfant eut pour parrain M. Auguste-Edouard Parenteau-Dubeugnon, cousin germain de sa mère, et pour marraine Marie-Eliane, sa sœur.

Son père, d’une grande distinction, était chrétien par le cœur ; sa mère, femme supérieure, était d’une piété profonde. Aussi bien, dès son bas âge, Mathilde eut au foyer familial l’exemple de toutes les vertus chrétiennes, de la charité surtout. Souvent, au château d’Aytré, en partageait avec les pauvres le repas de famille. — Sur ses vieux jours, Mme Saint-Martin rappellera volontiers les traits de charité dont elle fut témoin durant sa jeunesse.

Mathilde suivit les cours d’instruction primaire à l’école communale d’Aytré. Bien qu’issue d’une noble famille, la petite écolière n’avait rien dans ses manières qui la distinguât de ses jeunes compagnes : simple comme elle le sera toujours, de plus très affectueuse, elle se faisait déjà toute à tous. Ce ne fut pas sans regrets qu’elle dut se séparer de ses amis d’Aytré, pour aller rejoindre ses deux sœurs aînées, Melle Marie-Eliane et Marie-Alice, pensionnaires chez les Dames Ménard, à la Rochelle.
Chaque année, les vacances venues, Mathilde allait chez ses oncles de Nantes et de Luçon. Elle savourait auprès d’eux les douceurs du repos, mérité par le labeur de l’élève laborieuse qu’elle fut toujours, tant au Pensionnat de La Rochelle qu’à l’école primaire de sa paroisse natale.
C’est à Nantes, durant l’été de 1846, qu’elle fut frappée de la fièvre typhoïde. La chère malade demeura quarante jours sans connaissance. Il y eut, pendant ces jours critiques, grande inquiétude au sein de sa famille. Mais, le Ciel soit béni, la fièvre disparue, l’enfant recouvra rapidement la santé.

Mathilde fit sa première communion l’année suivante seulement, le 2 mai 1847, en l’église Saint- Sauveur de La Rochelle : elle était âgée de douze ans. Les résolutions qu’elle prit, au soir de ce jour béni, nous révèlent qu’elle reçut, pour la première fois, le Dieu de l’Eucharistie avec une piété angélique : « Je promets à Dieu, écrivait elle, de me conduire toujours en bonne chrétienne, de remplir avec exactitude tous les devoirs que m’impose ma religion. J’approcherai trois ou quatre fois par an du Tribunal de la Pénitence. J’aimerai les pauvres et je tâcherai de les secourir autant que je le pourrai. Je serai toujours affectueuse et obéissante envers mes parents et mes maîtres ; bonne, douce, obligeante envers mes amies. Je prends la Sainte Vierge pour protectrice et pour modèle afin de l’imiter dans ses vertus. » Signé : Mathilde Grossetière

Quelle ferveur intense, quel amour ardent, quelles délices ineffables accusent ces lignes d’une jeune fille de douze ans l Il devait lui tarder de recevoir de nouveau Jésus-Hostie. Son désir fut exaucé ; un mois à peine s’était écoulé quand elle renouvela sa communion, le 20 juin. Le 24 du même mois, elle reçut le sacrement de Confirmation.
Notre Seigneur lui donnait sans doute la force de son divin Esprit, pour la préparer aux épreuves de l’avenir. Le Ciel l’avait choisie pour marcher dans la voie royale de la Croix. Son tendre père mourut à Aytré le 18 août 1851. Cinq ans plus tard, sa mère, venue à Nantes pour assister au mariage de Melle Eve de la Grossetière, sa cousine, avec M. Paul Tomasson, y fut prisa d’une crise d’asthme très violente et succomba, la veille du jour des noces, le 4 mai 1856. Le corps de Mme de la Grossetière fut ramené à Aytré et inhumé le 7 mai.
Mathilde demeura un an environ au château d’Aytré après la mort de sa mère. Résignée à la volonté de Dieu, plus fidèle que jamais à ses devoirs de piété, la jeune orpheline était pour tous un sujet d’édification. On était unanime à dire que Melle Mathilde partirait prochainement au Couvent. Les habitants d’Aytré se trompaient. Le 22 septembre 1857, elle épousa M. Pierre-Ernest Saint-Martin, docteur-médecin demeurant à Niort.

La jeune fiancée, fut conduite à l’autel par son grand-père, M Victor Bonnamy de Bellefontaine, alors âgé de 84 ans. Les témoins furent pour le marié, ses oncles, MM. Cherbonnier et Charles Saint-Martin ; pour la mariée, son frère Léon et son oncle Armand de la Grossetière. M. le Curé d’Aytré, le même, abbé Bernard qui avait baptisé la fiancée, rappela dans une gracieuse allocution les belles vertus qui s’épanouissaient au sein des honorables familles des nouveaux mariés.
Au lendemain de leur mariage, M. et Mme Ernest Saint-Martin vinrent se fixer à Benet, où déjà M. Emmanuel Saint-Martin, père du marié, exerçait la profession de médecin. A Benet, la jeune dame Saint-Martin, « madame Ernest » comme on l’appelait, gagna rapidement la sympathie générale. C’était réel plaisir pour elle d’accompagner son beau-père, M. Emmanuel Saint-Martin, dans ses visites aux malades ; ceux-ci la réclamaient eux-mêmes à leur chevet. Elle savait si bien ajouter à ses deniers le mot qui console et fortifie ! Que ne puis-je exprimer tout ce qu’elle fit pour les chers malades, vers la fin de l’année 1866, lorsque sévit dans la paroisse de Benet la terrible épidémie du choléra ! Ce fut un spectacle digne d’admiration que de voir cette jeune dame, rivalisant de zèle avec son beau-père et préparant avec lui les menues potions pour les infortunées victimes.

Son zèle inlassable pour le soulagement des infirmes n’eut d’égal que la grandeur de ses épreuves. Son frère, M. Léon, avait rendu son âme à Dieu, le 9 juillet 1862, à peine âgé de 35 ans. Depuis ce triste jour, ce fut une série de deuils qui la frappèrent jusqu’à l’époque où M. Emmanuel Saint-Martin, âgé de 85 ans, fut rappelé dans son éternité, le 7 mai 1876.
Dans cet intervalle moururent ses deux tantes, Melles Lucile et Agathe Saint-Martin : la première, le 22 décembre 1870, la seconde, le 9 septembre 1871.

Toutes deux ont laissé à Benet le souvenir de leur profonde piété et de leur ardente charité.
Après le décès de leur père, M. et Mme Ernest Saint-Martin séjournèrent peu à Benet. En 1877, ils firent le pèlerinage de Rome. Les années suivantes, ils vont tantôt en Suisse, tantôt à Nice, le plus souvent à Paris. Ce fut à Paris que M. Pierre-Ernest Saint-Martin mourut presque subitement, le 2 avril 1899, en la fête de Pâques.
Avant de mourir, M. Saint-Martin avait confié à sa noble dame ses dernières volontés : « Je te lègue toute ma fortune, lui avait-il dit, emploie-la pour les oeuvres. »

Certes, la pieuse veuve n’oublia pas les désirs formels de son cher et regretté défunt : Faire des œuvres, en faire jusqu’au bout, tel fut le beau rêve de ses dernières années. Qu’il fait bon la suivre dans son veuvage, s’étudiant à devenir une grande bienfaitrice en même temps qu’elle reste excellente chrétienne.
« Je promets de me conduire en bonne chrétienne, avait-elle écrit au soir de sa première communion. Je promets de remplir tous les devoirs que m’impose ma religion » Engagement sacré, auquel elle demeura fidèle toute sa vie.

Chaque jour, à son réveil, elle faisait monter vers Dieu cette sublime prière, celle même de Mme Elisabeth dans sa prison : « Que m’arrivera t-il aujourd’hui, ô mon Dieu ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il ne m’arrivera rien que vous n’ayez prévu, réglé, ordonné de toute éternité. Cela me suffit, ô mon Dieu. J’adore vos desseins éternels et impénétrables, je m’y soumets de tout coeur, je veux tout, j’accepte tout, je vous fais un sacrifice de tout et j’unis ce sacrifice à celui de Jésus-Christ, mon divin Sauveur. Je vous demande en son nom et par ses mérites infinis la patience dans toutes mes peines et la parfaite soumission qui vous est due pour tout ce que vous voulez et permettez. »

A cette touchante prière, elle ajoutait cette autre qu’elle aimait à redire à chaque instant de la journée : « 0 Cœur adorable de mon Sauveur, apprenez-moi le parfait oubli de moi-même, apprenez-moi la patience, l’humilité, la douceur, apprenez-moi à souffrir et à pardonner. »
Sa prière fut exaucée. Plus que tout autre, elle apprit le secret de bien souffrir et de pardonner avec amour. « Il faut souffrir, disait-elle souvent. Le Bon Dieu le veut. N’a-t-il pas souffert, Lui, tout le premier ? » En 1906, vinrent les jours sombres de la persécution religieuse. Maîtres et maîtresses de nos écoles catholiques, traités en parias, furent obligés de quitter l’habit religieux pour continuer, sous le costume du monde, leur œuvre sublime d’éducation. Cruelle épreuve, que Mme Saint-Martin rendit pour eux moins amère par les paroles consolatrices qu’elle leur prodigua. « Il faut souffrir, le Bon Dieu l’exige » c’était son unique et continuel refrain. « Fiat écrivit-elle, le 21 janvier 1906, sur une gravure de son livre de messe, à la nouvelle du décès de M. Joseph Morel (Frère Dauphin en religion), directeur de l’École Saint-Martin.

« Fiat », ce simple mot nous révèle avec éloquence son entière résignation.
Si elle eut le secret de souffrir, elle eut aussi celui de pardonner. A maintes reprises, on le sait, elle fut contrecarrée dans ses desseins. Lui parlait-on des procès injustes perfidement intentés contre elle — procès qu’elle gagna toujours —elle répondait en souriant : « Ah ! je n’en veux pas à ceux qui me font la guerre. Que le Bon Dieu leur pardonne ! » En 1908, un misérable lui fit perdre une grosse somme d’argent, qu’elle devait recevoir de sa soeur et marraine, Mme Denéchaud, pieusement décédée, à La Rochelle. En voulut-elle au coupable ? Non. Si elle s’en plaignit parfois, ce fut à la pensée de ne pouvoir continuer ses œuvres avec la même générosité. Encore ses plaintes étaient bientôt suivies de cette autre parole, pleine d’espérance et de foi : « Que voulez-vous ? Il n’arrive que ce que le Bon Dieu veut. »

Où Mme Saint-Martin puisait-elle cet amour de la souffrance et du pardon ? Dans sa prière quotidienne, sans doute, mais aussi, je crois au Saint-Sacrifice de la Messe, auquel elle assistait presque chaque jour, et dans la réception fréquente de la Sainte Communion. Elle aimait beaucoup la Sainte Messe. N’est-ce pas le « Trésor caché » de la Religion ? Aussi souffrit-elle, durant sa maladie, de ne pouvoir y assister ! « Je suis si près de l’église, pourtant », murmurait-elle. « Quelle lourde croix pour moi ! »’
L’église lui était également très chère. N’était-elle pas un peu « son église » ? N’y avait-elle pas semé l’or comme à pleines mains ? Que de souvenirs, tels que la Chaire, la Sainte Table et autres objets, y rappellent le nom de l’illustre donatrice ! Grâce à ses largesses — jointes à celles de la famille Fradin — l’église, même aux jours les -moins solennels, apparaît toujours belle, toujours captivante.
Aimant Dieu et son Église de toute son âme, elle eut une vénération profonde pour ceux qui, dans la paroisse, représentaient Dieu lui-même ; elle aima ses prêtres et les entoura de sa sollicitude et parfois de ses meilleurs encouragements.

A l’heure de la tourmente, en 1906, lorsque, traités comme le Divin Maître, on les chassa de leur demeure, elle fut particulièrement heureuse de pouvoir leur offrir un gîte dans sa charmante « Villa Béthanie », en attendant que sa propre maison devienne un jour le presbytère. Ici se révèle déjà la bienfaitrice insigne que fut toujours Mme Saint-Martin.
Bienfaitrice insigne, oui, elle le fut dans toute la force du terme. Qui pourrait me contredire ? Serait-ce vous, chers élèves de l’Ecole Saint-Martin ; vous, jeunes filles de l’Institution Sainte-Mathilde ? Il me semble voir vos petites mains se tendre et ’me montrer les magnifiques écoles qu’elle a bâties pour vous, les préférés de son coeur. Votre geste me suffit. N’est-il pas expressif ? Qui n’admirerait, en effet, ces classes superbes et parfaitement aérées, ainsi que ces cours spacieuses où vous prenez joyeusement vos ébats ? Qui n’admirerait vos « palais scolaires » ?,où vous recevez cet enseignement chrétien — le meilleur de tous — que vous donnent avec tant de savoir des maîtres et maîtresses si zélés.

Chose digne de remarque, Mme Saint-Martin, d’ordinaire si simple pour elle-même dans ses goûts, ses manières, voire même dans son mobilier, dépourvu de tout luxe, voulut toujours faire beau pour le Bon Dieu. « Je ne veux rien faire à la « chichette », se plaisait-elle à redire avec un léger sourire sur les lèvres.

Mgr Catteau, évêque de Luçon, le lui fit remarquer avec un tact exquis, quand il vint bénir l’École Saint-Martin, le 18 novembre 1899. « La reine de Saba, dit-il, était ravie de voir de ses yeux les œuvres de Salomon ; mais qu’était comparé à la réalité ce, qu’on lui avait dit du Fils de David. On me parlait souvent de la nouvelle école de Benet, mais ce que je vois surpasse mon Attente. En voyant votre antique église, entourée de vos trois écoles catholiques, il me semble voir un spectacle digne des âges de foi. Tout ce qu’on a fait jusqu’ici à Benet a été grandement fait. »
« A Benet, tout s’est fait grandement », l’apprendrai-je à vous, chers associés de la Jeunesse Catholique et de la Saint-Maurice, à vous, chers mutualistes de l’Espoir des Familles ? Jetez les yeux sur ce monument grandiose que vous appelez le "Patronage du Sacré-Coeur ». Vous avez-là tout à souhait : salle splendide, théâtre artistement décoré, amusements les plus variés. Vous souvenant de Mme Saint-Martin, votre grande bienfaitrice, vous pouvez conclure : « Comme elle nous a aimés ! »

Il me faudrait maintenant vous exprimer longuement son amour pour les pauvres. Hélas ! ma plume est impuissante, je l’avoue sans façons. La bourse de la bonne dame Saint-Martin fut ouverte à tous : elle le fut surtout aux déshérités de la fortune. Les miséreux, du, reste, le savaient bien : à certains jours, nous Ne voyions se presser à la porte de sa maison. D’aucuns ont pu trouver sa’ générosité parfois excessive ; je me garderai bien de l’en blâmer : après tout, elle fit la charité pour Dieu.
Si Mme Saint-Martin nous aimait tous, petits et grands, tous, en retour, nous l’aimions. Qu’elle exprimait bien les sentiments de nos coeurs, cette gracieuse poésie qui lui fut adressée, au nom de la paroisse, le 14 mars 1906, en la fête de sainte Mathilde :
« L’hiver dans nos jardins exerçant ses rigueurs, De la rose a flétri les brillantes couleurs. A défaut ; de la rose, en ce jour de bonheur, Qui répande pour vous son agréable odeur, Nous venons vous offrir comme bouquet de fleurs »
Nos cœurs.

Nous l’aimions tant qu’en ces dernières années nous voulions oublier qu’elle était âgée et infirme et que l’heure de la séparation pouvait approcher. Pourtant, hélas ! elle était près du terme de sa course.
Le dimanche 7 décembre, après avoir entendu la Sainte Messe, elle se sentit plus fatiguée. Immédiatement informé, M. Roy, son médecin si dévoué, vint en toute hâte. Le docteur, après un examen minutieux, se prononça pour une maladie de coeur très avancée. Plusieurs jours durant, on lui donna les soins les plus énergiques et les plus délicats. Ses amis la recommandèrent spécialement à la Très Sainte-Vierge. Cependant, le mal s’aggrava. M. le Curé lui administra les derniers Sacrements le samedi 13 décembre. La mourante avait sa pleine connaissance., La cérémonie achevée, elle laissa échapper de ses lèvres émues ces simples mots : « Quelle belle journée ! » Le lendemain et les jours suivants, nous la croyions mieux ; c’était illusion de notre part. Le jeudi 18 décembre, elle rendit doucement son âme à Dieu, dans sa quatre-vingtième année.
A la grand’messe, le dimanche suivant, M. le Curé fit, en termes les plus délicats, l’éloge de la pieuse défunte. Il n’eut qu’à laisser parler son coeur de prêtre pour nous montrer qu’un triple amour s’était partagé l’âme de Mme Saint-Martin : l’amour de Dieu, l’amour des enfants et l’amour des pauvres.
Ce même jour, avant les vêpres, devant les jeunes gens du Patronage, réunis dans la chapelle ardente, M. le Curé, complétant son éloge du matin, leur rappela quelle place de choix ils avaient toujours eue dans le cœur de leur Fondatrice.
Il ne nous restait plus qu’à conduire à sa dernière demeure celle qui nous avait tant aimés. Ses funérailles, le lundi 22 décembre, furent triomphales. J’emprunte à l’ « Etoile de la Vendée » le récit de sa sépulture :
« L’église était trop petite pour contenir les nombreux habitants de Benet accourus pour manifester leur sympathie et leur reconnaissance. Ce sera pour moi un spectacle inoubliable que cette belle couronne de prêtres réunis autour du sanctuaire et emplissant la nef et les bas-côtés, cette longue série d’hommes encadrant la bannière de leur Société de Secours mutuels : l’ « Espoir des Familles », que ce cortège de jeunes gens groupés autour du drapeau de leur Société de tir, de petits garçons et de fillettes émus et recueillis, que cet imposant défilé des braves paysannes du Marais vendéen. Ce fut là l’hommage posthume, mais d’autant plus sincère, de l’affection de tous à l’égard de celle qui fut la grande bienfaitrice de la paroisse.

« Le deuil était conduit par M. Jean Seignette et Mme d’Amezit, neveu et nièce de la défunte. Après la messe et avant l’absoute, Mgr Jourdan vicaire général du diocèse de la Rochelle, prononça une vibrante allocution. Il trouva dans la vie admirable de Mme Saint-Martin, faite toute d’abnégation et de dévouement, de charité intense, étendant ses bienfaits, même sur les diocèses voisins, un modèle à proposer aux catholiques réunis autour du catafalque. La couronne que Dieu réservait à sa fidèle servante est de celle que l’on peut et que l’on doit envier. Tous s’acheminèrent ensuite vers le cimetière, où, dans le caveau ’de famille, à côté de son cher mari, reposera désormais la bonne dame l’on doit envier.

Le vendredi 2 janvier fut célébré, pour le repos de son âme, un service solennel, auquel assistèrent ses fidèles amis, heureux de lui offrir une fois encore un témoignage public de leur vive reconnaissance.

Telle est, trop rapidement esquissée, cette vie dont nous avons été les témoins. N’est-elle pas féconde en enseignements ? « J’ai combattu le bon combat, écrivait l’apôtre saint Paul à son disciple Timothée, j’ai achevé ma course, j’ai gardé le dépôt de la foi ; il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne de justice qui m’a été réservée. » Mme Saint-Martin mourante pouvait se rendre le même témoignage. Aussi voulons-nous croire que le Bon Dieu n’a pas agi à la « chichette , envers la « vaillante chrétienne » et « l’ange de la charité • qui fit pour Lui toutes choses grandement.

BENET, ce 20 janvier 1914. H. SERIT, prêtre.


Note (1) : "J’ai consulté une généalogie de sa famille qui premièrement écrit Arnault de la Grossetière et non Arnaud comme inscrit sur la couverture du livre. L’erreur faite par le père Serit peut être excusée car on ne devait pas avoir trop souvent l’occasion de voir écrit le nom de jeune fille de madame Saint-Martin. De plus, Arnaud est le plus souvent l’orthographe connue de ce prénom." P.P.