Une suite de celle de Noël
Venir à la crèche, c’est prendre la route comme les mages … Prendre la route c’est quitter un certain confort…
– un confort matériel : sa maison, ses petites affaires, ses habitudes…
– un confort intellectuel : les mages étaient des savants ; nous connaissons plein de choses, nous avons accès avec internet à plein de savoirs, nous en prenons quelques-unes comme des certitudes …
– un confort spirituel : nous nous disons croyants, plus ou moins, mais nous nous contentons de ce que nous croyons sans forcément nous remettre en question, sans chercher à approfondir… finalement le peu de foi que nous avons nous convient bien tant que nous ne sommes pas dérangés dans nos projets humains, tant que la maladie, un deuil, une grande épreuve ne viennent pas nous affecter.
Venir à la crèche, c’est comme les mages prendre la route…
Et la route a été longue pour eux… peut-être même leur a-t-il fallu une grande partie de leur vie pour cet aller-retour… Autant dire tout de suite
– qu’ils ont dormi à la bonne étoile,
– que toutes leurs connaissances ont été questionnées
– et que leur foi plus qu’une simple connaissance a été une recherche de sens.
Elles sont nombreuses les marches, les longues marches dans la Bible… pour passer la Mer Rouge, pour traverser le désert, pour les déportations et le retour au pays… pour un recensement… pour fuir en Egypte… pour parcourir les chemins de Galilée… pour monter à Jérusalem…
Aujourd’hui, nous le vivons sous forme de pèlerinages pour vivre une sorte de retour aux sources.
Venir à la crèche aujourd’hui avec les mages, c’est venir à source de la foi chrétienne : Dieu s’est fait homme, le Verbe s’est fait chair… Dieu demeure parmi nous.
Venir à la crèche pour les mages, c’était regarder le ciel, suivre une étoile.
– Les livres, c’est une chose, mais le ciel est un grand livre.
– Regarder un livre, c’est baisser les yeux ; regarder le ciel c’est lever les yeux.
C’est dans le ciel que les mages ont cherché Dieu car ils ont toujours cru qu’il n’y avait que le ciel pour le trouver.
Or voici que le ciel s’est penché sur la terre pour nous offrir Dieu sous l’aspect d’un petit enfant dans la pauvreté d’une mangeoire. L’étoile qui les guidait, c’est Dieu lui-même qui les a conduits où Jésus, l’enfant-Dieu, se trouvait. Voilà bien une découverte inattendue lorsqu’ils ont baissé les yeux : Dieu est un petit enfant dans la misère d’une étable. C’est une véritable conversion pour les mages.
Venir à la crèche aujourd’hui avec les mages, c’est pour nous aussi vivre une conversion : Dieu n’est pas que le Très-Haut, il est aussi le Très-bas, pour reprendre le titre du premier livre de l’écrivain Christian Bobin qui nous a quittés l’année dernière. Dieu est toujours là où on ne l’attend pas parce qu’il nous précède toujours, rarement dans les palais des rois, presque toujours où il y a des personnes à sauver de la misère, ce qui nous oblige à nous adapter à lui, à sa présence… en changeant notre regard et notre cœur.
Venir à la crèche avec les mages, c’est ne pas venir avec les mains vides. Les mages avaient des cadeaux qu’on appelle aussi des présents. Ils avaient sans doute emportés ce qu’ils avaient de plus précieux.
On pourrait se demander : l’enfant Jésus avait-il besoin d’or, d’encens et de myrrhe ?
Mais se pose-t-on la question : pourquoi les mages ont-ils tenu à offrir à cet enfant ce qu’ils avaient de meilleur ? ce qu’ils offrent ce sont des hommages, le meilleur d’eux-mêmes, leurs personnes toute entières. C’est le véritable sens du cadeau, du don, du présent d’offrir quelque chose de soi. Pensons à l’obole de la veuve au temple de Jérusalem : elle a donné de son nécessaire, autrement dit c’est sa vie qu’elle a donné. Les mages, eux aussi, ont donné leur vie, ce que leur vie re-présentait pour se rendre présents, c’est-à-dire cadeaux devant l’enfant Jésus.
Et nous, lorsque nous venons à la crèche, lorsque nous allons voir Jésus à la crèche, qu’est-ce que nous lui offrons ? Savons-nous lui offrir comme présent notre présence… notre présence qui se donne entièrement à lui ? Une présence débarrassée de tout soucis, de tout quand dira-t-on… une présence qui ne retient rien de ce que nous empêche de le rencontrer vraiment… une présence capable de nous faire passer de l’admiration à l’adoration…
Venir à la crèche, c’est aussi pouvoir revenir de la crèche… Les mages sont repartis par un autre chemin… ils avaient plein de belles autres choses à vivre…
Nous aussi, il ne faut pas rester à la crèche… l’enfant Jésus va nous emmener avec lui jusqu’à ce moment merveilleux de sa Pâque, où l’homme-Dieu va ressusciter d’entre les morts. Serons-nous aussi nombreux devant le tombeau vide que nous sommes à la crèche aujourd’hui ?
Venir à la crèche c’est commencer la route de la foi, c’est prendre son bâton de pèlerin, pèlerin d’espérance…
– Venir à la crèche c’est vouloir suivre Jésus, c’est vouloir aller au tombeau le matin de Pâques…
– Venir à la crèche, c’est passer de Noël à Pâques, les deux fêtes s’éclairent l’une l’autre…
– de la crèche au crucifiement, Dieu nous livre un profond mystère, chantons-nous dans un couplet de Il est né le divin enfant. Ce profond mystère, Dieu l’a fait connaître aux bergers et aux mages, à tous ceux qui aujourd’hui cherchent à le connaître et à le reconnaître sur les routes du monde et la route de notre vie.
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